Arnaque : anatomie d'un marketing peu scrupuleux

Et si l’escroquerie était devenue un art… institutionnalisé ? Un texte coup de scalpel sur le marketing sans boussole, les stratégies qui exploitent nos faims — et la banalisation de l’arnaque bien ficelée.

Lucie Michaut

9/16/20253 min read

man holding sparkler wearing guy fawkes mask
man holding sparkler wearing guy fawkes mask

« Vous savez à quoi on reconnaît une bonne escroquerie ?
Un bon escroc donne à sa cible ce qu’elle veut le plus au monde.
Et quand elle s’y attend le moins, il porte le coup de grâce. »

Oui, c'est la première phrase d'un film. Qui m'a fait réfléchir.

Depuis quand est-il devenu normal, voire banal, d’arnaquer les gens parce qu’ils sont riches, désespérés, ou tout simplement trop rêveurs  ?

Les arnaques se montent tous les jours. Sous le masque des industries, des banques, des boutiques-fantômes, des (fausses) relations amoureuses, des abonnements cachés qui déjouent le 3‑D Secure. Des stratégies, froidement calibrées.

Quelques chiffres :

✔️ Le pig‑butchering représente plus de 33 % des fraudes crypto en 2024 (une croissance d’environ 40 % sur un an). Soit +75 milliards de dollars détournés depuis 2020.
✔️ Cette année, les victimes de romance scams ont perdu plus de 1,3 milliard de dollars dans le monde, avec une perte moyenne par victime autour de 15 000 $.
✔️ Les centres d’arnaque au Cambodge génèrent entre 12,5 et 19 milliards de dollars par an, soit plus de la moitié du PIB du pays, et exploitent 100 000 à 150 000 personnes (traffiquées ou forcées à opérer).
✔️ Une enquête de The Guardian révèle qu’environ 800 000 personnes en Europe et aux États‑Unis ont été dupées par des faux sites vendant du Dior, Nike ou Versace. Plus de 476 000 clients ont partagé leurs coordonnées bancaires, pour un préjudice estimé jusqu'à 50 millions d’euros depuis 2015.
✔️ Plus de 200 sites Web factices spécifiquement conçus pour soutirer vos données de carte bancaire via des souscriptions trompeuses ont été détectés récemment.

Sans parler du phishing, des gourous et des influvoleurs...

Ce ne sont plus des “bonimenteurs” de foires qui vendent des miracles.
Ce sont des industries entières, organisées, qui se servent sur tes faims pour arriver à leur fin.

Le marketing n’est pas immoral.
Il est amoral, jusqu'à ce que...
Oui, la frontière est fine.

Sans intention claire, le marketing devient un savoir‑faire qui s’ignore.
On maîtrise le modus operandi, et l’on oublie pourquoi on opère.

Alors, arnaquer devient normal. Accepté. Même banalisé.
Et on en élude la responsabilité, préférant dire : « Ce sont les gens qui sont naïfs ».

Comme dirait l’autre : « est-ce que ce monde est sérieux ? »

Je ne sais pas ce que vaut la naïveté…
mais en tout cas, ça paie (bien).

Arnaquer : un savoir-faire de plus en plus pro

Le scam n’est plus un accident. C’est un business model.

Structuré. Rentable. Mondialisé.

Les chiffres donnent le vertige — et révèlent une chose : le marketing de l’arnaque utilise exactement les mêmes mécaniques que le marketing légitime.

  • Identifie une cible émotionnellement vulnérable

  • Lui offre une solution idéale

  • Joue sur la rareté, l’urgence, la communauté

  • Simplifie l’action à l’extrême

  • Collecte, puis encaisse

💬 Jusqu’à quel point peut-on séduire sans manipuler ? Et comment distinguer un bon marketing d’un beau mensonge ?

Le grand flou moral

Le marketing sans boussole n’est pas neutre.
Il devient une arme.

Et aujourd’hui, trop de marketeurs ne savent plus répondre à cette question simple :

“Pourquoi je fais ça ?”

Ils savent comment capter l’attention, déclencher un clic, provoquer l’achat.
Mais dans quel but, avec quelles conséquences ? Silence.

✍️ Mini-checklist éthique pour créateur et marketeur :

  • Est-ce que je crée un besoin, ou j’en exploite un ?

  • Est-ce que mon produit est à la hauteur de la promesse ?

  • Est-ce que je vendrais ça à ma propre mère, sans scrupule ?

Les faims humaines, devenues terrains de chasse

Ce que les escrocs exploitent n’est pas la bêtise.
C’est la solitude, le rêve, le manque, la peur.

Ce n’est pas un hasard si les cibles les plus fréquentes sont :

  • les personnes âgées

  • les personnes amoureuses

  • les gens endettés

  • les jeunes créateurs pressés de réussir

Tu n’arnaques pas un esprit rationnel. Tu captures une faille.

💬 As-tu toi-même déjà été tenté·e de “tordre un peu la promesse” pour closer ? Quelle ligne rouge refuses-tu de franchir ?

Le vrai problème, ce n’est pas l’escroc. C’est l’acceptation.

Ce qui est grave, ce n’est pas que l’arnaque existe. C’est qu’elle devienne culturelle.

  • “Il fallait lire les petites lignes”

  • “Trop naïf, c’est bien fait”

  • “Faut savoir vendre hein”

Derrière ces phrases, une forme de cynisme tranquille.
Le monde devient une arène. Et tant pis pour les trop tendres, les trop confiants, les trop humains.