Tesla : Quand l'image de marque vacille à cause de son fondateur, Elon Musk
Avant, posséder une Tesla, c’était une déclaration. Une révolution personnelle sur quatre roues, un manifeste roulant qui disait : "Je suis innovant, écolo, et en avance sur mon temps." Mais aujourd’hui, certains propriétaires de Tesla collent un sticker sur leur pare-chocs : "Je l’ai achetée avant qu’Elon ne devienne fou."
Lucie Michaut
12/16/20244 min read
Que s’est-il passé pour qu’une marque autrefois perçue comme visionnaire devienne un sujet de malaise ?
Qu’est-ce qui pousse des consommateurs à dissocier la voiture qu’ils aiment de l’homme qui l’incarne ?
Et surtout, que dit cette crise d’image sur notre manière de consommer, de nous identifier et de faire de chaque achat une prise de position ?
Tesla : Une révolution devenue un symbole
Tesla n’est pas qu’une voiture. C’est une icône. Une prouesse technologique qui a transformé la voiture électrique en un objet de désir. Il ne s’agissait pas seulement de rouler, mais de rouler avec du sens.
Posséder une Tesla, c’était appartenir à un cercle restreint : celui des pionniers. Vous affichiez non seulement votre conscience environnementale, mais aussi votre succès. Tesla, c’était un symbole d’ambition personnelle et d’appartenance à une communauté tournée vers l’avenir.
En marketing, on parle d’extension de soi.
Ce concept explique pourquoi un produit devient une partie intégrante de notre identité. Une Tesla, c’était plus qu’un véhicule. C’était un miroir de vos valeurs : innovation, écologie, avant-garde. Mais que se passe-t-il lorsque ce miroir se fissure ?
Elon Musk : Visionnaire ou source de malaise ?
Elon Musk est l’architecte de Tesla, un visionnaire qui a transformé des idées folles en réalités. Coloniser Mars avec SpaceX, connecter les cerveaux avec Neuralink, électrifier le monde avec Tesla. Pendant des années, il a incarné l’innovation à l’état pur.
Mais l’image du génie visionnaire s’est effritée. Les polémiques se sont enchaînées : le rachat de Twitter (désormais X), des déclarations politiques clivantes, des comportements imprévisibles. Musk est passé de figure inspirante à symbole controversé.
Pourquoi cette transition est-elle si problématique pour Tesla ?
La réponse se trouve dans un biais cognitif puissant : l’effet de Halo. Ce biais explique comment notre perception d’un individu ou d’un trait influence notre opinion générale. Tant que Musk incarnait le progrès, Tesla brillait.
Mais aujourd’hui, ses controverses rejaillissent sur la marque, brouillant son message et divisant son public.
Acheter, c’est voter
Chaque achat est une déclaration. Acheter, c’est voter. Posséder, c’est appartenir.
Mais à quoi appartenez-vous lorsque l’image de votre marque vacille ?
Pour certains propriétaires, rouler en Tesla, c’est afficher des valeurs qu’ils ne partagent plus. Matthew Hiller, un designer américain, a capté ce malaise en lançant un sticker devenu culte : "I bought this before Elon went crazy." (Traduction : "Je l’ai achetée avant qu’Elon ne devienne fou.")
Ce sticker exprime ce que beaucoup ressentent : l’amour pour la voiture, mais une distance envers l’homme.
Ce simple accessoire vend désormais plus de 300 exemplaires par jour.
Pourquoi un tel succès ? Parce qu’il apaise un conflit intérieur.
La dissonance cognitive : Quand consommer devient inconfortable
Cette situation illustre un phénomène psychologique bien connu : la dissonance cognitive. Vous aimez votre Tesla, mais vous rejetez ce que Musk représente. Ce désaccord entre vos valeurs et ce que symbolise la marque crée une tension mentale.
Le sticker de Hiller agit comme une soupape. Il vous permet de dire : "Je suis fier de ma voiture, mais je refuse d’être associé aux polémiques de son fondateur."
Ce mécanisme montre que, même en marketing, les émotions jouent un rôle central dans nos choix.
Le sentiment d’appartenance en crise
Les marques fortes créent des communautés. Avec Tesla, cette communauté était basée sur des valeurs partagées : l’innovation, la responsabilité écologique, la performance. Mais aujourd’hui, ce sentiment d’appartenance vacille.
Selon la théorie de l’identité sociale (Tajfel & Turner), nous tirons une partie de notre identité des groupes auxquels nous appartenons. En achetant une Tesla, vous faisiez partie d’un groupe avant-gardiste et engagé. Mais quand ce groupe devient clivant, vous êtes forcé de vous repositionner.
Restez-vous fidèle à la marque ? Ou vous en éloignez-vous pour protéger votre identité ?
Une crise, mais aussi une opportunité
L’exemple de Matthew Hiller montre qu’une crise d’image peut aussi être un terrain fertile pour l’innovation. Tesla traverse une tempête, mais cette période révèle des opportunités :
Pour ses concurrents, qui peuvent capitaliser sur cette division.
Pour ses clients, qui redéfinissent leur relation à la marque.
Pour les observateurs, qui voient ici un cas d’école sur les limites du lien entre fondateur et marque.
Le débat : Peut-on aimer la voiture sans cautionner l’homme ?
Tout comme cette perpétuelle question : doit-on dissocier l'artiste de son oeuvre ? Il est légitime de se poser les questions suivantes : Doit-on aussi distinguer l'Homme de ses idées ? Le fondateur de sa marque ? Le messager de son message ?
Tesla reste une prouesse technologique et un symbole d’avant-garde. Mais les marques ne vivent pas seulement de leurs produits. Elles vivent des histoires qu’elles racontent et des émotions qu’elles suscitent.
La vraie question est simple : qu’est-ce que Tesla représente aujourd’hui ?
Si posséder une Tesla était une déclaration, quelle est cette déclaration en 2024 ?
Peut-être qu’à l’avenir, les marques devront apprendre à se dissocier de leurs fondateurs pour survivre. Ou peut-être que nous, en tant que consommateurs, devrons accepter que l’idéal est parfois plus complexe qu’il n’y paraît.
Et vous, à quoi vous identifiez-vous lorsque vous consommez ?
Acheter une Tesla incarnait un idéal. Mais aujourd’hui, il est temps de se demander : à quel idéal êtes-vous prêt à vous identifier ?